Havel…

Ne trouvons-nous pas quelque part dans les fondations de la plupart des religions et des cultures, bien qu’elles puissent prendre mille et une différentes formes, des éléments communs tels que le respect pour ce qui nous transcende, que nous entendions par là le mystère de l’Etre ou un ordre moral qui se tient au-dessus de nous, le respect pour nos voisins, pour nos familles, pour certaines autorités naturelles, le respect pour la dignité humaine et pour la nature, un sens de la solidarité et de la bienfaisance envers les hôtes qui viennent avec des bonnes intentions ?

L’origine ancienne et commune ou les racines humaines de nos diverses spiritualités, dont chacune apporte une autre sorte de compréhension humaine de la même réalité, ne constitue-t-elle pas ce qui pourrait authentiquement amener ensemble les hommes de différentes cultures ?

Et les commandements de base de cette spiritualité archétypale ne sont-ils pas en harmonie avec ce qu’une personne même irréligieuse – sans savoir exactement pourquoi – peut considérer comme juste et plein de sens ?

Naturellement, je ne suggère pas que les hommes modernes puissent être contraints d’adorer d’anciennes déités ou d’accepter des rituels qu’ils ont depuis longtemps abandonnés. Ce que je suggère est quelque chose de tout à fait différent. Nous devons arriver à une profonde connexion mutuelle ou parenté entre les diverses formes de notre spiritualité. Nous devons nous souvenir de notre substance originellement spirituelle et morale, qui s’est développée à partir de la même expérience essentielle de l’humanité. Je crois que c’est là le seul moyen de réaliser une authentique régénérescence de notre sens de la responsabilité envers nous-mêmes et envers le monde. Et, en même temps, c’est le seul moyen de réaliser une compréhension plus profonde entre les cultures qui les rendra capables de travailler ensemble dans un esprit authentiquement œcuménique afin de créer un nouvel ordre du monde.

Václav Havel – Extrait du discours à l’Université de Harvard, mai 1995 : Le fragile vernis de la civilisation