Deux critiques de La leçon

Critiques parues dans Des jeunes et des lettres le 4 décembre 2019

Vu par Hortense M.R.

Une mise en scène efficace pour une pièce dénonciatrice maîtresse de l’absurde.
Une jeune fille est accueillie par son nouveau professeur chez lui afin de recevoir une leçon. Mais petit à petit, la difficulté du cours augmente jusqu’à ce que l’élève ne comprenne plus le maître. De ce fait, le professeur devient plus agressif et l’élève plus épuisé. Ce contraste s’accentue jusqu’au moment où le maître tue la jeune fille qui devient ainsi sa quarantième victime du jour.
C’est dans une salle avec un espace réduit que se réalise cette mise en scène. Le décor est efficace ayant seulement un mur en bois qui fait office d’une séparation avec l’extérieur. Les costumes laissent le doute au spectateur par leur variété entre les trois personnages sur l’époque où se déroule l’histoire. De ce fait, on est face à une complexité temporelle, par exemple, on retrouve la domestique en smoking noir et un nœud rouge qui rappelle la couleur du nazisme et par ailleurs elle semble être ainsi une servante de table qui peut avoir un rapport avec le fait que c’est elle qui introduit la jeune fille dans la maison et qui la confie à son maître, comme pour les autres élèves ; la présence de souliers par le maître fait rappeler l’époque de Louis XIV, qui fait à nouveau un possible rapport au nazisme par l’abus de pouvoir qui pouvait tuer sans en souffrir les conséquences ; il est important de noter que l’élève était vêtue d’une robe de chambre qui peut prévenir du possible acte sexuel qui provoquera sa mort ; entre autres. Cette confusion de temps peut être reliée aux mouvements circulaires faits par les personnages infligeant la mort de la jeune fille, qui rappelle le mouvement des aiguilles d’une montre. La pièce était mise en scène avec une musique classique répétitive presque dans l’intégralité de la pièce, ce qui marque d’une part encore une confusion par rapport à l’époque et d’autre part le côté répétitive qui peut démontrer que cette situation s’était passée plusieurs fois auparavant et à l’avenir. Ce qui est compréhensible par une introduction pareille de la part de la domestique à la jeune fille qu’au spectateur suite à sa mort. Le spectateur se sent ainsi concerné par le regard qu’elle pose sur nous à la fin de la pièce. Le spectateur est séduit par le jeu des comédiens. En effet, on retrouve bien une jeune fille, interprété par Anne-Sophie Pathé, qui par sa diction d’enfant nous montre qu’elle devient la poupée de son maître, maître lui qui par des expressions faciales nous provoque, par exemple le rire au début quand il commence à s’énerver puis la peur quand il est exaspéré.
Cette pièce tendue avec une mise en scène efficiente est ainsi agréable à assister.
À voir !

Vu par Susanne P.

La leçon est un drame comique, qui comme de nombreuses pièces de Ionesco, dramaturge et écrivain, né en Roumanie en 1909 et mort à Paris en 1994, comme La Cantatrice Chauve, s’inscrit dans l’absurde. La leçon a été écrite en 1950 et publiée en 1951, alors que la Deuxième Guerre mondiale est encore fraîche dans les mémoires.
Cette pièce montre une jeune fille qui va à sa première leçon chez son professeur particulier. La leçon commence par un cours d’arithmétique, ce que la domestique du professeur essaie d’empêcher, prévenant le professeur que « ça énerve ». S’ensuivent d’hilarantes pirouettes de non-sens, durant lesquelles on peut remarquer une légère agressivité du professeur qui se développe, puis le professeur décide de faire étudier à l’élève la philologie, ce que la domestique conteste à nouveau fortement : « la philologie mène au pire ». Le même comique absurde revient, et l’agressivité du maître devient de plus en plus forte. En apprenant le mot « couteau » dans différentes langues, il finit par tuer l’élève, et l’on apprend, par la domestique, que c’est la quarantième de la journée.

La mise en scène de Nikson Pitaqaj met en valeur le nazisme que Ionesco a connu, et c’est ce qui m’a personnellement beaucoup plu. Ainsi, on retrouve une élève handicapée, en fauteuil roulant, qui reste au centre de la scène sans bouger. Cela fait référence au fait que, pendant la guerre, le nazisme prônait une figure idéale, la « race arienne », qui excluait toute personne qui n’en avait pas exactement le profil, dont les handicapés, qui étaient envoyés dans des camps d’extermination. Ceci est renforcé par le texte original, par exemple lorsque le professeur lui dit de « s’asseoir là ». Ainsi, l’élève est montrée comme une poupée, un automate qui obéit aux ordres du maître dont les chaussures rappellent la monarchie absolue de Louis XIV, et lorsque la domestique vient après sa mort, elle met autour du bras du professeur un brassard rouge ; on ne peut plus passer à côté de la référence au nazisme. De plus, ce brassard est symbolisé par ce qui était depuis le début de la pièce l’écharpe du professeur, et est fixé sur ses bretelles. Ainsi, on remarque que tous ces éléments étaient déjà existants au début de la pièce ; le professeur était nazi, seulement maintenant, il le montre fièrement.

Une très belle mise en scène, qui représente à merveille la montée du nazisme et la peur des personnes vivant après la guerre que cela recommence. A voir au plus vite !