Résumé

Un éminent professeur, animé par une flamme lubrique, se gargarise de leçons fumeuses d’arithmétique et de linguistique jusqu’à faire de son élève une poupée de chiffon. Il joue avec elle dans un rapport de domination psychologique et physique totale.

Pièce maîtresse du théâtre de l’absurde, Ionesco s’est réjoui que le public trouve cela franchement gai.

La leçon, d’Eugène Ionesco

Avec :
Henri Vatin
Lina Cespedes
Anne-Sophie Pathé

Création lumières
Nikson Pitaqaj

Scénographie
Yan Brailowsky

Costumes
Lina Cespedes

Musique originale
Oscar Hernandez

Mise en scène Nikson Pitaqaj

« L’angoisse n’est pas supportable sans l’humour. C’est le mélange qui fait le plaisir. »

Alfred Hitchcock

Présentation

Ionesco dit de sa Leçon qu’elle est une anti-pièce dont le langage est le véritable personnage central, outil par excellence d’enseignement et de communication ou de manipulation et de domination. Le professeur et l’élève en sont tous deux les victimes avec cette même issue fatale : un meurtre aux formes de viol.
L’emprise du professeur, dressé en héros, est celle de l’intellectuel nouveau qui se présente avec force et fracas comme le prédicateur du bien-pensant. Auto-proclamé dernier rempart à la violence, son discours repose sur la séduction – non sur l’éducation – et cet embrigadement conduit à une adoration de masse. Ils sont les gourous d’aujourd’hui. Auréolés de la bénédiction des médias, ils garantissent des triomphes d’audience et remplissent des salles de citoyens hypnotisés prêts à se donner corps et âme pour se convertir à telle ou telle idée.

Malgré quelques apparences stéréotypées, les personnages de La leçon sont complexes. La bascule s’opère progressivement chez le professeur et l’élève qui passent imperceptiblement d’un extrême à l’autre : l’élève vive devient aphasique, le professeur timide devient un monstre d’autorité avant de retomber dans une enfance sanglotante. Ces métamorphoses et revirements sont l’un des leviers de l’angoisse grandissante tout au long de la pièce tout comme elles suscitent le rire. Par ailleurs, les considérations farfelues de l’enseignement du professeur sont des trésors de l’humour de l’absurde.

« Les roses de ma grand-mère sont aussi jaunes que mon grand-père qui était Asiatique. »

Note d’intention

La leçon est un manifeste de la confusion qu’il peut y avoir entre éducation et séduction. Les deux mots ont la même étymologie : ducere (conduire) mais il existe une différence fondamentale entre les deux principes. Si l’éducation consiste à « conduire vers l’extérieur », soit affranchir l’élève, la séduction consiste à « conduire vers soi », soit soumettre l’élève. La leçon du professeur ne laisse progressivement plus la moindre place à la parole de l’élève dont la soumission, en germes au début de la pièce, devient totale si bien qu’elle semble déjà morte avant même d’avoir été tuée.

Photos : Oscar Hernandez

Les références au nazisme de la pièce de Ionesco sont très claires mais peuvent être étendues à d’autres figures de proue reconnues et adorées dont la maîtrise parfaite du discours est la meilleure forme de propagande puisque celle-ci s’opère alors sans résistance. La théorie du complot est le premier pas vers la radicalisation, quelle qu’elle soit, et ce révisionnisme est d’ailleurs asséné d’un ton extrêmement professoral et séduisant. Nous n’avons alors pas été éduqués, puisque nous n’avons pas été amenés à réfléchir par nous-même, mais séduits puisque nous nous soumettons, sans même en avoir pleinement conscience, au même système de valeurs que nous jurons réfuter.

Vidéo : Oscar Hernandez

Quelques critiques :

« (…) la jeune demoiselle est assise dans un fauteuil roulant, immobile tout au long de la pièce ; seul son visage est expressif (et comment !) (…). Le professeur a un côté « opéra-comique » : il se dandine, se déplace avec des pas de danse, son interprétation est puissante. » VivantMag – juillet 2019
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« Il fallait toute l’habileté de Nikson Pitaqaj pour mettre en scène une comédie absurde créée par Ionesco en 1950. » RegArts – juillet 2019
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